4 %. C’est le pourcentage du chiffre d’affaires mondial qui peut s’envoler en sanctions pour une gestion hasardeuse des données personnelles depuis le 22 septembre 2022 au Québec. À la clé, jusqu’à 25 millions de dollars canadiens d’amende pour les entreprises négligentes. L’avertissement est clair : la protection des renseignements personnels n’est plus négociable.
Derrière cette nouvelle donne, certaines pratiques jusque-là considérées comme secondaires basculent sous les projecteurs : technologies de profilage, transferts internationaux de données, ou communication transfrontalière. Autant d’opérations qui s’accompagnent désormais de formalités bien précises, souvent sous-estimées par les responsables de traitement. Pour les entreprises françaises collaborant avec le Québec, la surprise est parfois de taille : ces obligations supplémentaires ne sont pas toujours compatibles avec le droit européen. Impossible d’ignorer ce choc des régulations.
Loi 25 : un tournant pour la protection des données personnelles
La loi 25 redéfinit en profondeur la gouvernance des données personnelles au Québec. Inspirée du RGPD, elle oblige toutes les entreprises et entités publiques à revoir leur manière de collecter, d’utiliser et de transférer les renseignements personnels. La Commission d’accès à l’information du Québec veille sur ce nouveau dispositif, afin de s’assurer que ces obligations ne restent pas lettre morte.
Trois axes structurent cette législation et orientent concrètement la conduite à tenir :
- Renforcement des droits individuels : accès, rectification, effacement, portabilité.
- Obligations renforcées pour les entreprises : consentement explicite, nomination d’un responsable, signalement des incidents, transparence sur les politiques de confidentialité.
- Sanctions administratives et pénales en cas de manquement.
Transparence et responsabilité deviennent le leitmotiv du Gouvernement du Québec. Désormais, les entreprises doivent tenir un registre des incidents, informer la Commission comme les personnes concernées en cas de faille, et s’assurer que les données conservées sans raison sont détruites ou rendues anonymes.
La loi 25 s’impose ainsi comme une référence pour la protection de la vie privée canadienne. Elle sécurise la circulation des données, condition incontournable pour les échanges économiques internationaux. Pour les sociétés françaises implantées à Montréal ou travaillant avec des partenaires québécois, le RGPD ne suffit plus : chaque flux de données personnelles transatlantique doit être examiné à la lumière de ces nouvelles contraintes, sous peine d’amendes particulièrement dissuasives.
Quelles entreprises sont concernées et dans quels cas la loi s’applique-t-elle ?
La loi 25 élargit largement son champ d’application. En clair, toute entreprise privée opérant au Québec, indépendamment de sa taille ou de son secteur, est visée dès qu’elle manipule des renseignements personnels. Les organismes publics et les municipalités suivent le même régime. Ce n’est plus la forme juridique qui prévaut, mais la réalité des traitements de données.
La liste des structures concernées ne se limite pas à un secteur ou à une catégorie :
- Entreprises privées, organismes publics, municipalités, toute organisation exploitant les technologies de l’information et de la communication (TIC).
- Traitements visés : collecte, conservation, utilisation ou transmission de données personnelles, tous domaines confondus.
Pour les groupes français et européens, un détail change la donne : la loi 25 touche toute entreprise qui cible le marché québécois, même sans présence physique locale, dès lors qu’elle traite des renseignements sur des résidents de la province. Les flux de données internationaux, transfert de fichiers ou recours à des sous-traitants hors Québec, déclenchent automatiquement l’application des obligations. Le contrôle sur la sécurité et la gouvernance des données s’intensifie.
En pratique, la loi ne laisse aucune place à l’incertitude. Les entreprises doivent examiner leurs flux de données, auditer leurs habitudes, et revoir leurs accords avec tous les tiers impliqués. Dès qu’un seul octet traverse l’Atlantique vers ou depuis le Québec, la conformité devient la nouvelle règle du jeu.
Les principales obligations à respecter dans le secteur privé
La première étape est claire : chaque entreprise opérant au Québec doit désigner un responsable de la protection des renseignements personnels. Ce référent pilote la conformité, supervise les traitements et reste l’interlocuteur privilégié de la Commission d’accès à l’information du Québec.
Le consentement se durcit. Il doit être explicite, libre et véritablement éclairé : chaque collecte, chaque usage, chaque transfert exige un accord préalable et révocable. Les cases pré-cochées et les formulations floues n’ont plus leur place. Les entreprises sont aussi tenues de garantir aux individus leurs nouveaux droits : accès, rectification, effacement, désindexation et portabilité des données.
La transparence prend une nouvelle dimension. Une politique de confidentialité claire et accessible devient obligatoire, tout comme une politique de gestion des témoins (cookies). Les utilisateurs doivent pouvoir comprendre le sort réservé à leurs informations et les finalités poursuivies. La mise en place d’une CMP (Consent Management Platform) s’impose pour gérer les consentements et leur traçabilité.
En matière de sécurité, la loi exige la tenue d’un registre des incidents de confidentialité. Chaque incident doit être documenté, puis signalé rapidement à la commission et aux personnes concernées si le risque l’exige. Les données inutiles doivent être détruites ou anonymisées de façon sécurisée. Les contrats conclus avec les fournisseurs tiers exigent désormais une attention particulière et des clauses robustes. Les sanctions, administratives ou pénales, sont lourdes : la conformité n’est plus un choix, c’est désormais la norme à adopter.
Ce que la Loi 25 change concrètement pour les pratiques en France
Pour les entreprises françaises gérant des données personnelles de résidents québécois, la donne est claire : il faut se conformer à la fois au RGPD et à la Loi 25. Si les deux textes partagent des principes, la Loi 25 introduit des obligations supplémentaires qui ne tolèrent pas l’approximation. La notion de consentement explicite atteint un nouveau degré d’exigence : chaque finalité, chaque usage doit être couvert par un accord net, ciblé, facilement révocable. Les formulaires de consentement doivent être revus, les parcours utilisateurs réajustés.
La gestion des incidents de confidentialité devient un standard incontournable. Il s’agit de tenir un registre dédié, de consigner toute fuite ou accès non autorisé, et de notifier sans attendre la Commission d’accès à l’information du Québec ainsi que les personnes concernées en cas de risque avéré. Cette obligation va parfois plus loin que le RGPD, surtout en matière de rapidité et de détail des notifications.
Quant à la portabilité et au droit à l’oubli, ils prennent une dimension concrète : les outils conçus pour le RGPD servent de base, mais doivent être adaptés pour répondre aux exigences propres au Québec. Les politiques de confidentialité et de gestion des cookies doivent mentionner explicitement les traitements réalisés pour le Québec, tandis qu’une CMP adaptée s’impose pour recueillir les consentements.
Pour les groupes français installés des deux côtés de l’Atlantique, la Loi 25 force à harmoniser les pratiques : mêmes principes, mais vocabulaire, délais et modalités de notification parfois différents. Mettez à jour les contrats avec les sous-traitants, formez les équipes, soignez votre documentation. Ici, l’anticipation fait toute la différence.
À l’heure où les frontières numériques s’effacent, la Loi 25 rappelle à chaque entreprise que la donnée n’est jamais un détail. Elle invite les acteurs économiques à bâtir leur confiance sur des règles précises, et à faire du respect de la vie privée un réflexe aussi naturel que la signature d’un contrat.


